Envoyer vos offres par mail ou les présenter en face à face : Remettre l’église au centre du village

faut il envoyer ou remettre les offres en face
 
Le titre de cet article aurait certainement fait sourire il y’a quelques années, tant la réponse s’imposait à tous par les outils disponibles et les pratiques dominantes. Les commerciaux des années 80 dont je suis, ont été biberonnés à la proposition tapée par la secrétaire de région dont chacun s’employait à soudoyer les délais en vue d’un prochain RV client.
Les années 90 ont vu la disparition de la secrétaire de région dans ces fonctions anciennes, le micro-ordinateur rendant accessible au commun des commerciaux des capacités à rédiger, présenter, copier / coller une prose plus ou moins personnalisée.
Dans les années 2000, nous avons gagné en capacité logicielle de présentation et de mise en forme, et surtout, avec l’avènement d’internet, des gains potentiels encore plus alléchants ont pointé leur nez, pouvoir envoyer des propositions en se dispensant de devoir revoir ses prospects. …On a ainsi amorcé un processus sans en mesurer les limites ni les conséquences.
 
Notre constat
 
Nous sommes en 2019, internet a produit son lot de start-up disrupteuses auquel l’univers commercial n’échappe pas. Certaines se sont spécialisées avec succès dans la facilitation des entretiens (Touch and sell) ou le « proposal management » (Jack in the box), d’autres que j’aurai la bonté de ne pas nommer, tentent d’exploiter les failles d’une pratique professionnelle en déshérence ou certains vendeurs et managers semblent avoir perdu leur points de repère.
Exemple, ce logiciel de tracking de document qui permet à distance, à l’aide d’une puce cachée dont le lecteur ignore l’existence, de connaître les modalités de lecture détaillées d’une proposition par un client. On peut légitimement s’interroger sur un plan déontologique sur la capacité à installer une relation de confiance et sur un plan de l’efficacité du processus de vente sur l’incapacité à obtenir un RV en face à face avec son prospect ….
La conjonction de ces nouveaux outils numériques intervient dans un contexte ou l’accélération de l’information et du temps se nourrissant de toujours plus d’informations à plus grande vitesse, ont vu émerger une culture du zapping et de l’immédiateté, érigeant la réactivité comme dogme absolu de la compétence et de l’efficacité. Ainsi, envoyer de nombreuses propositions dans les délais les plus courts possibles est devenu pour certains, la plate et consternante incarnation quotidienne de leur métier de commercial. Ce tropisme est bien entendu encouragé par les clients qui, disposant eux même de moins de temps, n’ont qu’à appuyer sur la séquence « vous n’avez qu’à m’envoyer votre proposition » pour rendre l’injonction quasi incontournable.
Combien de fois n’ai-je entendu cette question « Mais comment fais-tu Fabrice quand c’est ton client qui te demande de lui envoyer la proposition?»
Comme d’autres acteurs et observateurs, (Nicole Aubert « Le culte de l’urgence : la société malade du temps » Flammarion 2009 ou Pierre Moniz Barreto « Slow business » Ralentir au travail et en finir avec le temps toxique), nous constatons tous les jours sur le terrain que le résultat produit est absolument l’inverse de ce qui est recherché en terme d’efficacité.
 
Remettre l’église au centre du village en termes de bonnes pratiques commerciales et de conduite d’affaire : redécouvrir et approfondir l’essentiel
 
Il est temps selon nous de reposer quelques fondamentaux, voire de les approfondir en matière de vente donc de conduite de relations et de processus de relations multi – interlocuteurs dès lors que nous sommes dans un environnement de vente dit complexe.
La première idée que je propose de rappeler est la distinction entre informer et communiquer. Quand j’envoie une proposition à un client, que ce soit par courrier ou par mail, ce n’est qu’une information d’un émetteur vers un récepteur dont la matière première est le contenu de ce qui est transmis. Communiquer suppose que l’émetteur et le récepteur puissent apporter de la valeur ajoutée à l’information reçue, en donnant un feed back , en intégrant le feed back reçu, etc…autrement dit, se mettre en situation d’une élaboration commune dans un temps si possible synchrone car plus riche en terme de messages et de communication.
Influencer, au sens positif du terme, suppose donc de se mettre en situation de communiquer pour co-élaborer et non simplement informer. Nous tirons de cette distinction une première voie de perfectionnement importante pour une majorité de commerciaux qui consiste à apprendre à distinguer dans une relation et un ensemble d’interactions ce qui relève du contenu de ce qui relève du processus.
Ainsi, pour faire simple, la formalisation des besoins, l’offre produit, l’information sur le niveau de prix, la concurrence etc…est du domaine du contenu.
Tout ce qui est du domaine de la relation et du comment cette relation se met en place et se structure relève du processus. Ainsi, le choix du lieu de la rencontre (le bureau, une salle ou bulle adhoc, le hall d’accueil, le show room, le couloir etc..), l’ordre du jour (partagé, co- construit, imposé), les interlocuteurs présents (facilité d’accès ou non aux différentes parties prenantes selon périmètre et complexité des offres), le temps disponible au regard des enjeux et de l’objectif (« temps idéal », trop court, trop long), la posture dans l’échange (ouverture et coopération versus méfiance et mise à l’épreuve) sont des éléments clefs de lecture, décodage de l’intention de l’autre, et aussi d’influence de la relation.
 blog
J’en arrive ainsi à la clef de voûte de l’église au milieu du village qui nous est proposée par l’école de pensée systémique qui m’a beaucoup inspirée et dont j’ai pu vérifier depuis de nombreuses années la pertinence et la puissance pratique dans le champ commercial avant de la partager avec mes clients. Cette proposition consiste à postuler que dans une relation, ce qui se passe en termes de processus surdétermine le résultat, autrement dit, l’essentiel se joue d’abord dans le processus.
Je mesure pour ceux des lecteurs peu familiarisés avec cette école de pensée et ces concepts, le renversement copernicien de la proposition et les résistances légitimes qu’elle peut susciter.
On n’abandonne pas comme cela des années d’enseignement et de logique cartésienne. Mon but n’est pas de vous convaincre à ce stade de la pertinence de cette proposition, j’ai bien conscience qu’elle mérite un temps de digestion… mais à minima semer la graine d’une ouverture qui vous donne simplement envie d’observer ce qui se joue en terme de processus dans vos relations commerciales et / ou managériales. De ces premières observations vous pourrez décider d’avancer ou pas sur cette voie et en pousser plus loin l’expérience, de la surprise des premiers retours à l’intérêt d’approfondir et du perfectionnement continu à l’expertise de conduite des processus.
Revenons donc à l’essentiel, dès lors que l’on admet que celui-ci-se joue dans le processus et donc dans la conduite de ces processus, cela nous amène à un second point de perfectionnement pour les commerciaux qui fait le lien entre les questions de postured’influence et de stratégie qui est d’apprendre à devenir expert et leader dans la conduite des processus car l’influence et la réussite se jouent dans le leadership des processus.
 
Envoyer les offres ou les remettre en face à face ? Mes recommandations
 
Vous aurez compris l’importance des développements du paragraphe précédent pour mieux saisir le sens et l’intention des recommandations qui vont suivre.
Dès lors que l’on intègre l’importance des processus dans la réussite, il va de soi alors qu’envoyer une offre ou la remettre en main propre n’est plus le choix entre deux modalités et commodités pratiques mais devient une décision, voir une décision stratégique quant à la dynamique de la relation et facteurs de réussite potentielle de la vente.
Toute interaction avec un client génère une réflexion sur la qualité du processus engagé. Le choix du processus est donc une décision et l’un des savoir- faire prioritaire à développer auprès des commerciaux évoluant dans des environnements de vente complexe.
Ceci permet de poser à contrario qu’il n’est pas satisfaisant que le processus avec un client soit une relation subit et dégradée, c’est-à-dire non décidée si celle-ci ne satisfait pas aux conditions de réussite que le vendeur et son organisation se sont fixés. Une illustration qui peut paraître caricaturale de ce que j’appelle un processus dégradé est une situation ou le vendeur manque d’informations, n’a vu qu’une partie des interlocuteurs et dispose de trop peu de temps pour construire son offre….ce à quoi les participants à mes séminaires me répondent
« Mais c’est ce que nous rencontrons tous les jours »…Eviter cela suppose qu’un travail de clarification des processus de vente (process de vente et posture personnelle) ai été réalisé, ce qui est rarement le cas dans les organisations, faute d’outil conceptuel pour le penser. De plus, une certaine paresse intellectuelle alimentée par l’attrait des promesses de gains immédiats au travers des outils plutôt que le travail réflexif sur les pratiques et la dimension humaine de la relation, favorise cet état de fait.
Dès lors, comment construire cette décision et répondre à la question posée ?
En s’appuyant sur le principe qu’il y’a 3 niveaux d’intensité et de modalité de communication et que chacune à un sens et un impact différent en terme de processus :
  • Le mail
  • Le téléphone
  • Le face à face
Plus les enjeux sont importants, la situation sensible, potentiellement incertaine, plus il faut l’aborder dans les modalités les plus élevés possibles en terme de communication c’est- à-dire en face à face. La remise d’offre à un prospect ayant souvent ces caractéristiques, ceci nous permet de poser que le principe de base est donc la remise d’offre en main propre.
Que des exceptions soient possible, c’est évident (faible montant, peu d’enjeu, grande distance etc…) mais n’inversons pas la logique des choses sous l’influence des mauvaises fées de la speudo-réactivité, du manque de leadership, des outils magiques qui vont faire le job à votre place, de la pression sur les résultats CT etc.. Laissez à d’autres toutes ces mauvaises raisons qui finissent par brouiller les points de repère et produire des processus de vente dégradés et au final des taux de réussite limités et hors de contrôle des commerciaux.
Ce principe étant posé, je voudrais terminer en soulignant l’intérêt des solutions mixtes du type envoi par mail d’une proposition à condition que le RV de débrief téléphonique de la proposition ai été convenu en amont avec le client, ce qui n’est pas la même chose et loin s’en faut en terme de leadership sur le processus qu’un simple envoi par mail dans la nature qui risque d’engendrer de multiple tentatives de relances souvent stériles et consommatrices de temps.
Pour conclure, un mot sur les résultats observés pour les clients que j’accompagne dans l’évolution de leur posture commerciale. Vous me permettrez de choisir un retour assez saillant d’un confrère dont j’ai accompagné le cabinet de formation sur ces dimensions et qui lors d’un séminaire d’équipe avait présenté une progression à deux chiffres significative du taux de réussite des offres en valeur suite à notre travail.
Voulant en savoir plus sur ces résultats, je lui en demandais les raisons et j’obtenais la réponse suivante :
« Ecoute, c’est un ensemble de choses car ce que l’on a fait avec toi était riche et a fait bouger les pratiques de tous nos consultants-formateurs mais s’il fallait retenir une explication, certainement la plus impactante , est que plus jamais on envoi des offres par mail et ce d’autant plus que les clients et les projets sont importants ».
Et vous, ou en sont les pratiques et réglages de vos équipes en matière de remise des offres ?
 
Veuillez vous enregistrer afin de télécharger cet article
 

Envoyer vos offres par mail ou les présenter en face à face : Remettre l’église au centre du village