Codéveloppement professionnel et démarche en intelligence collective : un pas vers l’ubuntu

Dessine-moi un processus apprenant dans un espace collaboratif, en confiance

 

Dans l’introduction de son dernier ouvrage « Le codéveloppement. L’intelligence collective au service de l’individu et du groupe »[1], Claude Champagne[2] nous invite à imaginer « un groupe de six personnes qui, mues par un désir de s’améliorer et une croyance que cela peut se faire entre pairs, se réunissent périodiquement à cet effet dans un espace de confiance sécuritaire ».

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Effectivement, nous pouvons participer à cette invitation en appuyant le trait sur les contours protecteurs du codéveloppement professionnel et rappeler rapidement que cette méthode pédagogique :

·        Introduit le principe de formation entre pairs, par l’apprentissage plutôt que par un transfert de savoir descendant,

·         Se pratique en groupe restreint,

·         Se déroule en 6 étapes,

·    Respecte un cadre structuré permettant à ceux qui le mettent en œuvre d’évoluer dans un espace de partage sécurisé,

·          Favorise entraide et émergence d’idées et de solutions.

 

Isolons un court instant la dimension de « formation informelle et d’apprenance[3]» et le processus qui, comme le précise Claude Champagne, fait la singularité de cette démarche de codéveloppement professionnel lui conférant le statut d’« une pratique bien définie » et retrouvons les ingrédients communs avec les séances de travail en intelligence collective :

 

·         Un groupe de personnes volontaires,

·         Un facilitateur/animateur qui tient le cadre,

·   L’envie de partager des idées et de dessiner de nouvelles perspectives,

·          La mise en route d’un mouvement collaboratif,

·          L’engagement à respecter des règles de savoir-être et de savoir-faire pour le bien du groupe et du déroulement de la rencontre,

·          La circularité et la parité dans les échanges,

·          Et bien sûr, un objectif commun de trouver une ou plusieurs solutions ou pistes de solutions.

 

Le codéveloppement professionnel et sa touche d’intelligence collective

 

Le codéveloppement professionnel induit dans sa pratique et au fil des séances, ce que l’on constate dans d’autres approches en intelligence collective tel que le Forum Ouvert ou le World Café. Ainsi le groupe développe :

·       La coresponsabilité dans le bon déroulement de chaque séance ou de chaque séquence, du respect du processus mais aussi des règles de comportement – principe de confidentialité et respect de l’autre dans l’écoute,

·       La synergie et la dynamique dans le groupe,

·     Le plaisir dans la co-construction et dans l’échange, sentiment qui est souvent exprimé par les participants à l’issue de séances de codéveloppement professionnel,

·  La satisfaction d’avoir ensemble répondu à la demande, d’avoir contribué à trouver des éléments de réponse et de compréhension pour le « client » mais aussi pour soi,

·   Un sentiment de gratitude d’avoir partagé des expériences et des connaissances en toute simplicité et générosité,

·     Un étonnement renouvelé d’avoir fait émerger en si peu de temps - une séance, une rencontre - des solutions ou un début de mise en actions.

 

Autre point de convergence, le codéveloppement professionnel incarne le caractère paritaire propre aux démarches en intelligence collective car peu importe l’expérience, les domaines de compétence, le degré d’expertise ou notre facilité dans la prise de parole, chacun à son niveau à le même droit de parole et de manière explicite dans les règles d’être ensemble.

 

Quant à l’espace d’échanges et de discussions d’aucuns diront qu’il est vécu comme un lieu où l’humain à sa place ou tout du moins une forme d’humanité dans la relation à l’autre.

« Le client » mais aussi les « consultants » s’y sentent bien et en sécurité, non seulement parce que le cadre est tenu par l’animateur/facilitateur, mais aussi parce que le degré d’écoute est profond, que les personnes qui « se présentent sont les bonnes » (principe du Forum Ouvert) sont là pour un intérêt personnel et collectif : par extension, l’organisation et le projet bénéficient de cette mise en mouvement.

 

Ce que les participants apprécient entre autres prend forme dans la temporalité de la parole et de la réflexion : le temps de parole est respecté car réparti, chaque personne trouve la place qu’elle souhaite occuper pour elle et dans le groupe et à son rythme.

 

Dans les approches en intelligence collective et au-delà dans les actions collaboratives telles que l’on peut les expérimenter dans le codéveloppement professionnel et sous d’autres formes, les principes d’Angeles Arrien prennent tout leur sens :
·       Écouter avec attention, écoute active ;
·       Parler avec intention, « parler vrai » ;
·       Être bienveillant, « respect de l’autre » ;
·       Se faire confiance, « espace sécurisé et lâcher prise ».

 

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En fin de compte, l’intelligence collective prend forme grâce à différentes méthodes et démarches qui permet aux participants d’un groupe qui se connait ou qui ne s’est jamais rencontré de contribuer à un objectif commun avec leurs capacités de réflexion, leurs expériences et les échanges dans un cadre défini.
Ainsi, le postulat le plus vulgarisé sur les approches en intelligence collective fait état que le groupe est supérieur à la somme des intelligences isolées.

 

Ce qui fait sa diversité et sa richesse est l’heureuse rencontre magique de la diversité de personnes présentes, incluant le facilitateur/animateur, riches de leurs expériences, de leurs savoir-faire et savoir-être qui nourrit une réflexion commune avec plusieurs perspectives.

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Vu du ciel, les phases de l'intelligence collective rejoignent ce que le codéveloppement professionnel met en exergue dans sa mise en pratique :

  • L’intention : pourquoi nous nous réunissons
  • L’inclusion : tous égaux dans le cercle, être à sa place
  • L’émergence : ce qui résulte des discussions et des échanges
  • Convergence : mettre en commun les résultats de nos échanges, synthèse et mise en œuvre
  • Clôture : avec quoi je repars, ressenti

 

De l’universalité dans la spécificité des thématiques abordées

 

Il y a dans le codéveloppement professionnel une caractéristique commune aux approches en intelligence collective : l’universalité dans des thématiques abordées. Les problématiques et les projets sont spécifiques à chaque « client » dans un contexte donné, mais la compréhension des thématiques car familières permet aux « consultants » d’avoir des points de repérage forts par rapport à leur propre pratique.

 

Ainsi, dans un contexte d’intra entreprise, le codéveloppement professionnel fait émerger le sentiment d’appartenance à une identité collective de l’entreprise par un travail sur la consolidation de sa propre culture, de ses fonctions et domaine d’activités.

 

Dans une situation où différentes entreprises sont représentées dans des fonctions similaires – commercial, marketing, ressources humaines, management, etc.- mais dans des secteurs d’activité très différents, le même phénomène d’appartenance se produit par le rattachement à une activité similaire qui fait alors le lien entre les participants.

 

Chaque écosystème est différent, mais les rôles, les fonctions, les compétences convergent vers des préoccupations et des besoins communs et chacun des participants va grandir et s’améliorer à son propre rythme avec l’aide du groupe.

 

L’universalité des thématiques est loin d’être un frein dans l’exploration des démarches en intelligence collective, elle ouvre le champ des possibles.

 

Imaginons ce que les organisations pourraient dessiner, au quotidien, comme nouveaux paysages dans le développement des comportements et de la culture d’entreprise si elles osaient gouter au codéveloppement professionnel, à la puissance de son caractère collaboratif et dessiner une nouvelle étape dans leur transformation en intelligence collective !

 

 


[1] Paru en mai 2021, Éditions Eyrolles

[2] Auteur avec Adrien Payette de l’ouvrage Le Groupe de codéveloppement professionnel (Presses de l’Université du Québec, 1997)

[3] Désigne avant tout une attitude vis à vis de l'apprentissage qui demande de mobiliser la volonté d'apprendre, la possibilité d'apprendre et la capacité d'apprendre (P. Carré)

Par Josée Meyer

Coach accréditée Praticienne SFCoach

Membre de l’AQCP

Practice leader en intelligence collective Interness Consulting

 

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