Le décideur inaccessible existe, je l’ai rencontré

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Le sujet pourrait paraître « tarte à la crème » tant il semble avoir été rabâché. Il n’est cependant pas une semaine sans qu’il ne soit présent dans les groupes de co-développement que j’anime avec les équipes commerciales. Force est de constater que les points de repère en la matière ne sont pas clairs et les outils à acquérir parfois méconnus.
Tentons donc d’y voir plus clair en rappelant quelques principes préalables puis les principaux freins personnels récurrents observés avant de passer aux solutions et apprentissages à réaliser.
 
Les principes préalables
 
La difficulté d’accès au décideur qui se révèle en cours ou à la fin du processus de vente résulte trop souvent de la négligence d’un premier principe qui est celui d’amorcer le processus de vente au plus haut niveau potentiel au sein du système client. Ce principe repose sur le bon sens pratique fondé sur le fait qu’il est plus facile et rapide de redescendre une ligne hiérarchique dans une organisation que de la monter. Cela est certes possible, avec un impact plus faible et prends beaucoup plus de temps.
La vertu de commencer par le niveau le plus élevé est de qualifier le sujet et votre démarche vis-à-vis des autres acteurs rencontrés dans le système, de vous qualifier vis-à-vis d’eux, ce en maintenant une certaine « assise personnelle » durant le processus de rencontres à venir puisque l’accès initial au décideur vous autorise potentiellement à le revoir en cas de besoin.
Ce principe est à adapter selon le produit et service vendu, votre place dans la chaîne de valeur du client et la représentation que vous vous en faite. Nous verrons quelque uns des freins qui en limitent l’ambition et la qualité de mise en œuvre.
Le second principe qui ne contredit pas le premier consiste à poser qu’un commercial qui fait bien son travail a vocation à se faire aspirer par le haut dans le système, c’est-à-dire se faire porter par ses interlocuteurs actuels vers des niveaux plus élevés d’enjeux et de décision. Cela paraît en fait assez naturel que si vous apportez de la valeur ajoutée à vos interlocuteurs, si vous avez su installer une relation de confiance et coopérative, cela nous conduit vers des projets à plus forte valeur et des conversations plus élevées.
Le troisième principe consiste à éviter la pratique du court- circuit qui est une pratique par défaut qui s’avère plus contre-productive dans ses effets que bénéfique. C’est trop souvent faute d’avoir respecté le premier principe de commencer le plus haut ou au moins au bon niveau, et de savoir actionner le second principe d’aspiration qui suppose une certaine finesse stratégique, que le court- circuit est proposé comme dernier et ultime recours en cas de blocage.
D’ailleurs, sans être un expert en électricité, l’expression porte bien son nom car en cas de court-circuit, le circuit initial ne fonctionne plus, ce qui est le cas en matière de relation et de communication. L’option du court- circuit n’en est donc pas une car elle fait prendre le risque de condamner le seul canal actif dans la relation.
 
Les principaux freins personnels identifiés
 
Vous ne pouvez pas demander à une organisation, à un responsable hiérarchique, à un client, à une carte de visite flatteuse, de vous donner la légitimité que vous ne vous accordez pas vous-même. Ainsi ce sujet est complexe, multi-facettes, nous en évoquerons ici que quelques-unes. La question de la légitimité professionnelle renvoi entre autres à nos croyances. Croyances sur soi, tel ce DG d’une belle entreprise qui a 40 ans continuait à côté de son indiscutable réussite, de « trimballer comme un boulet » le fait qu’il ne soit «que» Bac + 2. Croyance sur l’autre, « Il est Directeur de concession automobile, je ne suis que simple commercial ». Croyance sur la relation « Nous sommes une PME de 120 personnes, en face j’ai à faire avec un groupe de 3 000 personnes, je ne peux quand même pas me permettre de remonter au patron mondial des achats qui est aux états unis ».
Ces croyances limitantes touchent à notre identité, à ce qui nous auto-défini et aux définitions que les autres nous renvoient. Si nous ne sommes pas responsables du regard que les autres posent sur nous, nous pouvons être responsables de la construction de notre identité personnelle et professionnelle, de sa définition et de son affirmation, avec ses forces et aussi ses fragilités.
Ainsi le sujet est sensible, vous l’avez compris, il est plus simple de rester dans sa zone de confort, de continuer à dialoguer avec des niveaux ou l’on se sent naturellement et socialement à l’aise plutôt qu’aller s’exposer à la terra incognita d’un décideur fantasmé.
Ce décideur risque d’être d’autant plus fantasmé que nous avons pris la mauvaise habitude de raisonner en terme de fonction et non de personne, c’est-à-dire de voir d’abord la fonction hiérarchique avant de découvrir et s’intéresser à la personne….prisme très franco- français.
Enfin, pour tenter de remettre un peu d’ordre dans tout cela, il convient également de s’interroger sur la définition de la valeur et sortir de la confusion entre moyens et finalités. Si je vends du lubrifiant automobile et que je limite ma représentation de la valeur du produit à celle des moyens, il y’a des chances pour que je me cantonne au dialogue avec le chef d’atelier. Si par contre j’élève ma représentation sur les finalités, alors je risque d’y voir un levier de fidélisation de la clientèle et d’amélioration des marges, et par voie de conséquence, commencer à construire un discours et une histoire susceptible d’intéresser un patron de concession automobile. Le produit n’a pas changé, le déplacement de la représentation de la valeur me permets t’occuper potentiellement une autre place dans la relation et me libérer progressivement du sentiment d’imposture face à un décideur. N’oublions pas qu’un commercial représente toute l’entreprise du fournisseur, c’est pour cela que le terme de « représentant », aujourd’hui quasi abandonné avait un certain sens. Par définition, il y’a dans la fonction de « représentant » une délégation implicite positive qui va jusqu’à représenter sa direction Générale, ce qui ne veut pas dire se confondre avec elle.
Etre  conscient  de  ses  représentations  avant  d’agirles  faire  évoluer  si  elles sont limitantes pour se donner plus de pouvoir dans le sens de la réalisation de ses objectifs,c’est le premier travail à faire pour tirer parti des apprentissages plus techniques qui vont suivre.
 
Les solutions et apprentissages à réaliser
 
Le décideur inaccessible existe, je l’ai rencontré.
Là encore, on peut s’appuyer sur la distinction finalité / moyen. La rencontre avec un décideur, (moyen), a principalement pour objet (finalité), de prendre en compte et connaître ses besoins et critères de décision et lui apporter les arguments de conviction en retour s’il le faut.
L’apprentissage en question consiste précisément à se centrer sur la finalité (obtenir le point de vue du décideur) en se dispensant de le rencontrer (adaptation des moyens aux finalités) si la rencontre est annoncée comme non souhaitable ou impossible. Pour cela, l’apprentissage à réaliser est celui du maniement des questions circulaires dont l’objet précis est de poser à une personne (l’intermédiaire) une question sur ce qu’il pense être le point de vue d’une autre personne (ici le décideur).
Ainsi, « Mr le Directeur informatique, quelle hypothèse peut –on faire à ce stade, sur l’opinion de votre Directeur Général à propos de ce projet ?»
Ce type de question a de multiples mérites.
Le premier est de vous permettre de continuer à avancer dans votre processus de vente tout en respectant l’écologie du système et de vos interlocuteurs. (Pas de passage en force, respect de la place de chacun, du rythme du client et construction des alliances)
Le second mérite est en terme de contenu de vous permettre d’accéder à des informations importantes voir sensibles avant même de rencontrer les décideurs.
Le troisième c’est qu’immanquablement, ce type de question va vous donner des informations complémentaires sur la qualité de relation entre le directeur informatique et le directeur général et des signaux plus ou moins forts sur le niveau d’autonomie de ce premier.
Enfin, pour ceux qui pourraient avoir le sentiment que cette approche à distance demeure trop limitante, je vous propose une seconde question sur le même thème mais beaucoup plus stratégique et impliquante : « Mr le Directeur informatique, qu’est- ce qui selon vous, risque d’être le point le plus sensible dans ce projet pour votre Directeur Général ? »
Et après avoir obtenu la réponse « Et le point le plus délicat …..pour vous ? »
Rappelons-nous ce qu’en disait Winston Churchill « Il n’y a pas de question indiscrète, seules les réponses le sont ». Là encore, il est question d’oser, à bon escient, c’est-à-dire de façon contextualisé et en intelligence de situation.
Les décideurs inaccessibles existent, les commerciaux que j’accompagne ont appris soit à les rencontrer, soit à les faire parler à distance plus souvent que ne le font leurs concurrents.
Et vous, que diriez- vous de vos commerciaux par rapport à ceux de vos concurrents ?
 
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